Peut-on distinguer la science politique, à la fois de l'action politique, et de la sociologie ?
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Accroche C'est un curieux attelage de mots, "science politique". En effet la connaissance suppose de pouvoir prendre une certaine distance avec l'objet étudié. Et si ce n'est pas évident en ce qui concerne la société en général, cela paraît a priori encore plus compliqué pour la politique: celle-ci semble relever de l'action pure, et vouloir s'occuper de nous même si nous ne lui demandons rien.
Définition de mot-clé - science politique : étude des phénomènes de pouvoir, c'est-à-dire ce qui donne à certains individus ou groupes d'individus davantage de probabilité d'influencer le comportement d'autrui que d'être influencés eux-même en sens inverse; cela revient à étudier les conditions de la prise de décision sur les questions d'intérêt collectif, et plus spécialement, en démocratie, la compétition électorale
Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.
1/ La science politique s'intéresse autant à l'exercice du pouvoir qu'à la concurrence pacifique pour y accéder, essentielle en démocratie sous la forme de la compétition électorale.
a) La compétition électorale est un aspect essentiel de la vie politique démocratique
De nombreuses décisions doivent être prises sur des questions d'intérêt collectif, comme la protection de la population vis-à-vis des agressions étrangères, l'éclairage et la sécurité dans les rues, ou encore la prise en charge des enfants pendant que les parents travaillent. Ceux qui prétendent jouer un rôle dans ce domaine doivent obtenir des autres les moyens d'agir. Cela nécessite parfois l'usage de la force : c'est une façon de s'assurer par exemple que des impôts seront payés.
Chaque fois que l'intérêt collectif nécessite ainsi d'imposer une contrainte aux individus, il est cependant plus facile de le faire lorsqu'une grande partie de la population accepte le pouvoir qui s'exerce. Plus les décisions sont contestées au contraire, plus le risque de violence est grand. Lorsque deux camps s'affrontent, cela peut même conduire à la guerre civile.
La compétition électorale est un moyen d'éviter que les conflits relatifs à l'exercice du pouvoir politique dégénèrent en violences physiques fréquentes au sein de la population. Le vote de la majorité des citoyens, en faveur de l'un ou de l'autre candidat à une élection, est une façon pacifique d'arbitrer les oppositions de personnes ou d'intérêts. Les responsables élus, grâce au soutien visible qu'ils ont reçu, peuvent ensuite faire accepter plus facilement leurs décisions.
b) L'objet de la science politique va cependant au-delà car elle étudie l'ensemble de l'action politique, sans se confondre avec elle
D'une part l'action politique est loin de se limiter à la compétition électorale. Car il est possible de prendre des décisions, sur des questions d'intérêt collectif, en les imposant uniquement par la force : c'est le cas en particulier dans les Etats non démocratiques. Cela permet même parfois des organisations politiques assez stables, bien que le risque d'éruptions soudaines de violence y soit plus élevé qu'en démocratie.
D'autre part il ne faut pas confondre l'objet étudié, ici l'action politique, avec l'étude elle-même, dans ce cas la science politique. Les spécialistes de science politique sont d'ailleurs rarement de très bons acteurs de la vie politique, car les qualités requises pour la recherche et l'analyse, côté science, et pour l'exercice du pouvoir, côté action, ne sont pas identiques. Elles sont même en partie opposées : un scientifique ne doit pas arrêter de douter, alors qu'il faut pouvoir trancher quand on est décideur.
Dans un cadre démocratique, la science politique peut étudier la compétition électorale : par exemple la façon dont l'organisation d'une élection, sur une ou plusieurs journées, influence les résultats du scrutin, ou encore la prévision des résultats en fonction de l'âge moyen ou du niveau de revenus d'une population. Mais elle ne s'intéresse pas seulement à la façon dont les pouvoirs sont conquis : elle étudie aussi la façon dont ils sont ensuite exercés, les relations qu'ils entretiennent entre eux.
2/ L'étude spécifique des phénomènes de pouvoir distingue en revanche la science politique de la sociologie générale, malgré les méthodes communes aux deux disciplines.
a) La sociologie a un objet plus large que les phénomènes de pouvoir étudiés par la science politique
La sociologie a pour but d'étudier de façon scientifique les comportements humains en société, avec des observations répétées destinées à vérifier des hypothèses à ce sujet : par exemple, l'idée que le sport pratiqué par un individu, plutôt individuel ou plutôt collectif, dépendrait de son niveau de diplôme. De ce point de vue, les chercheurs en science politique font de la sociologie, car ils appliquent la démarche scientifique à des comportements humains en société.
Toutefois la science politique a un objet plus précis : elle étudie les phénomènes de pouvoir. Elle s'intéresse ainsi à tout ce qui fait qu'un individu ou un groupe a de bonnes chances d'obtenir d'un autre le comportement qu'il souhaite lui voir adopter. Il ne s'agit pas seulement d'expliquer pourquoi certains ont plus ou moins de chances de gagner une élection, mais par exemple aussi comment dans une organisation un subordonné peut avoir parfois plus d'influence que son supérieur.
Il ne faut pas non plus confondre la science politique avec l'utilisation politique qui peut être faite de certains travaux de sociologie. La compréhension de la société permet en effet d'adapter l'action politique afin qu'elle corresponde le mieux possible aux objectifs qu'elle se donne, par exemple la réduction des inégalités au sein d'une population. Afin de prendre les meilleures décisions possibles sur une question d'intérêt collectif comme celle-ci, il est utile de disposer d'études sur les inégalités.
b) Les méthodes de la science politique ont beaucoup de points communs avec celles de la sociologie
La science politique, comme la sociologie, a d'abord recours à des classifications, qui permettent notamment des comptages. Lorsque des catégories sont définies en effet, chaque cas particulier observé peut être rattaché à l'une d'entre elles, et en augmenter ainsi l'importance numérique. Il devient alors possible de faire apparaître des relations de cause à effet entre variables : le vote pour des partis classés à droite ou à gauche dépend notamment des catégories de taille des communes.
Il n'est pas cependant pas toujours possible, en science politique comme en sociologie, de disposer de données chiffrées concernant l'ensemble de la population qu'on souhaite étudier. Les méthodes utilisées alors sont également les mêmes : il s'agit de poser une question identique à un nombre suffisant d'individus, choisis au hasard, car on obtient ainsi des réponses qui reflètent approximativement celles qu'aurait donné l'ensemble de la population. C'est le principe du sondage.
Enfin, la science politique et la sociologie utilisent aussi des méthodes dites « qualitatives », par opposition à « quantitatives ». Il s'agit par exemple d'entretiens avec des individus caractéristiques d'une population, ou concernés par un problème, afin que la discussion fasse émerger des idées utiles pour décrire ou comprendre une situation. La comparaison de documents, comme des affiches électorales ou des pages de journaux, fait également partie des méthodes qualitatives.
Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.
Elargissement du sujet vers d'autres questions Le champ d'étude de la science politique est bien délimité au sein des sciences de la société, même s'il est vaste et ne se limite pas à l'analyse de la compétition électorale. Il reste toutefois de l'ordre de la connaissance et ne doit donc pas être confondu avec la pratique du combat politique: avoir étudié la science, dans ce domaine, peut être utile mais ne prépare pas toujours bien à l'action. C'est en tout cas une des idées soulignées par Max Weber dans son ouvrage "Le Savant et le Politique", publié au début du XXème siècle.