Pourquoi la croissance externe d'une entreprise se fait parfois aux dépens du fondateur ou des salariés d'autres entreprises ?

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Accroche   La société Stellantis (qui s’appelait jusqu’en 2021 PSA, c’est-à-dire Peugeot Société Anonyme) ne construit pas seulement des véhicules Peugeot. L'entreprise Citroën, qui avait été créée en 1919 par André Citroën, lui appartient également depuis 1976, date à laquelle elle a été rachetée à Michelin qui la détenait depuis 1935. En 2017, Peugeot a aussi acheté Opel. Il s'agissait d’opérations de croissance externe peut-être intéressantes pour PSA, mais les salariés et le fondateur d'une entreprise rachetée sont souvent perdants.

Définition de mot-clé
   - salariés :  personnes dont l'activité est rémunérée à intervalles réguliers, selon des conditions fixées par un contrat de travail signé entre le salarié et l'employeur (par exemple, une caissière de supermarché touche un salaire, à la différence d'un médecin de ville à qui on paie des honoraires)

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ La croissance externe consiste souvent à racheter des concurrents et parfois à les affaiblir, d'où l'intérêt des SCOP qui protègent les salariés des prédations de ce genre


 a) Une entreprise peut devenir la maison-mère d'un groupe en créant ou en rachetant une part suffisante d'autres entreprises, parfois d'anciennes concurrentes qui deviennent ses filiales

A la différence des parts des SARL, les actions des sociétés anonymes peuvent être revendues sans l'accord des autres propriétaires. Cela permet à ce placement d'attirer davantage d'épargne, car la valeur est plus facile à récupérer. Mais les nouveaux propriétaires de ces actions peuvent très bien être d'autres entreprises. Dans ce cas l'entreprise rachetée devient une filiale de celle qui la rachète, tandis que cette dernière est appelée société-mère ou maison-mère, l'ensemble constituant un groupe.

Or pour la maison-mère, cela peut certes être un moyen de faire des économies sur l'achat de certains produits auprès des fournisseurs, ou de réaliser en plus grande quantité, donc moins chers, des composants communs aux produits vendus par les deux entreprises. Mais c'est souvent en même temps une façon d'étouffer la concurrence. Car il suffit de posséder 50% des actions d'une société anonyme pour y avoir le pouvoir de décision en dernier ressort. C'est le cas en particulier pour choisir le Président Directeur Général (PDG), qui est le principal dirigeant. Par le jeu des alliances, moins de 50% des actions peuvent même suffire lorsque tous les autres actionnaires ont de beaucoup plus petites parts.


 b) La propriété de l'entreprise par les salariés en SCOP est un moyen d'éviter les rachats malintentionnés par des concurrents, au prix d'un financement plus difficile des investissements

Lorsque le rachat d'une entreprise par une autre a pour but d'étouffer la concurrence, on peut se douter que ce n'est pas favorable aux salariés de l'entreprise rachetée, dont une partie au moins risque de perdre leur emploi. La filiale risque de ne pas être privilégiée dans les choix de la direction du nouveau groupe. Et si la quantité totale de produits vendus diminue du fait de l'affaiblissement de la concurrence et de la hausse des prix, une partie des salariés se retrouve en surnombre. Même si le but n'est pas de diminuer la concurrence mais de baisser le coût unitaire de certains composants, l'effet est le même, puisque les salaires font partie des coûts.

Une façon de pour les salariés de protéger leur entreprise du risque de se retrouver la proie de concurrents, c'est d'en devenir eux-mêmes propriétaires. C'est parfois possible grâce à un statut juridique particulier, celui de société coopérative (SCOP). Evidemment, si elle n'a pas été créée comme ça au départ, les salariés doivent pouvoir racheter l'entreprise aux autres propriétaires pour lui donner ce statut. Et les nouveaux achats d'équipements risquent d'être plus difficiles, faute de pouvoir vendre de nouvelles actions pour les financer, comme une société anonyme peut le faire en attirant les épargnants. Les prêts bancaires, autre source possible de financement, ont en effet des limites.


2/ Le processus de désignation des entreprises dans les grands groupes conduit en outre à écarter en général les fondateurs et leur esprit innovateur


 a) En cas de rachat partiel d'une SA par un concurrent son PDG peut être remplacé même s'il est le fondateur, car c'est la majorité des actionnaires qui le nomme et le maintient en place

Le rachat d'une société anonyme, absorbée par une autre dans un cas typique de croissance externe, ne pose pas seulement problème aux salariés de base de l'entreprise rachetée. Les cadres dirigeants de l'entreprise, et notamment le premier d'entre eux qu'on appelle le PDG, sont également concernés en tant que salariés eux-mêmes. Et le PDG est d'ailleurs parfois le fondateur de l'entreprise.

Le fait d'être un visionnaire peut-être génial n'empêche pas de perdre la majorité des voix en assemblée générale des actionnaires, au fur et à mesure que la croissance interne de l'entreprise oblige à augmenter le capital juridique pour financer les investissements nécessaires, en attirant de nouveaux propriétaires. C'est ce qui est arrivé notamment à Steve Jobs, fondateur d'Apple, débarqué de la direction de l'entreprise en 1985 avant d'en reprendre le contrôle en 1997.


 b) La nomination des PDG de grandes entreprises par les actionnaires en fait souvent des salariés gestionnaires éloignés de l'esprit innovateur des entrepreneurs fondateurs

Lorsque leur petite SARL de départ a grandi et doit se transformer en société anonyme pour continuer à croître, les fondateurs d'entreprise commencent souvent par exercer eux-mêmes les fonctions de PDG. Ils continuent donc à diriger la société, avec l'accord des nouveaux actionnaires, comme à l'époque où ils étaient gérants de SARL, mais en tant que salarié de celle-ci. Toutefois leurs intérêts entrent ensuite souvent en conflit avec les autres propriétaires, car ces derniers cherchent plutôt à tirer de leurs placements d'épargne des profits à court terme, tandis que les fondateurs sont des entrepreneurs innovateurs : ils aiment plutôt parier sur l'avenir, au détriment des profits immédiats.

Après l'échec d'une, deux, ou trois idées "géniales" du fondateur, les autres propriétaires finissent en général par s'allier contre lui, en tout cas lorsqu'il ne possède plus depuis longtemps la moitié au moins des parts. Et ils nomment un autre PDG, chargé d'organiser au mieux l'entreprise pour qu'elle rapporte chaque année un maximum à ses propriétaires, mais sans autant de prise de risque ou de vision à long terme. Or il faut un certain degré de prise de risque pour que certaines innovations fonctionnent et préparent l'avenir. Faute de quoi, l'entreprise est peu dynamique et condamnée au déclin.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   La croissance externe d'une entreprise a donc souvent des inconvénients pour les dirigeants et les salariés des nouvelles filiales. Mais elle peut aussi présenter des risques pour celle qui achète, notamment lorsqu'elle s'endette pour acheter des concurrents déjà peu dynamiques. Le choix de privilégier plutôt la croissance ou la croissance interne est une décision stratégique à long terme pour l'entreprise, qui dépend d'un grand nombre de variables liées notamment au type d'activité et au contexte général.