Est-on allé trop loin dans la mutualisation des risques ?

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Accroche   Lorsqu'un Français travaille une heure, le premier quart d'heure sert uniquement à payer l'assurance-maladie et l'assurance-vieillesse de la Sécurité Sociale. A cela s'ajoutent l'assurance chômage, les assurances maladie et vieillesse complémentaires, l'assurance des véhicules, des habitations...

Définition de mot-clé
   - mutualisation des risques :  choix fait par un ensemble d'individus de supporter collectivement les coûts lorsqu'un risque se réalise pour l'un deux, en échange de la contribution régulière de chacun à l'aide fournie aux personnes touchées. L'assurance des voitures contre le risque d'accident est une forme de mutualisation des risques.

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ Les avantages sociaux et économiques de la mutualisation des risques sont si importants qu'ils ont justifié de rendre obligatoires certaines assurances


 a) Les pouvoirs publics français ont depuis longtemps rendu obligatoire l'assurance de plusieurs risques

On a pas le choix de s'assurer ou non contre le risque vieillesse ou le risque maladie. Tous les revenus, notamment salariaux, font l'objet d'un prélèvement destiné à financer la prise en charge des personnes qui ne pourraient plus gagner leur vie à cause de l'âge, ou encore celles qui sont malades et risquent de ne pas pouvoir payer les soins et les dépenses quotidiennes. L'assurance chômage est également obligatoire, de même que le paiement des cotisations aux allocations familiales, qui étaient initialement une assurance contre le risque d'avoir un enfant et de ne pas pouvoir prendre en charge les dépenses.

Le système actuel de Sécurité Sociale date en effet de 1945. Il oblige notamment les employeurs à payer une assurance vieillesse, une assurance maladie, une assurance chômage, et des cotisations pour les allocations familiales, chaque fois qu'ils versent un salaire. C'est ce qu'on appelle les cotisations sociales. Le travail au noir, c'est-à-dire sans le paiement de ces cotisations, est illégal. Ce n'est pas seulement un coût pour les employeurs car ils pourraient payer davantage les salariés sans ces dépenses. Mais ces derniers seraient moins bien protégés des risques. La Sécurité Sociale a mis fin à la pauvreté des personnes âgées et à bien des tensions familiales.


 b) La mutualisation des risques favorise l'innovation, favorable au dynamisme de l'économie et à l'épanouissement individuel

L'innovation, c'est-à-dire la création de nouveau produits ou l'utilisation de nouvelles méthodes de production, est un facteur important de la croissance économique, souligné notamment par Joseph Schumpeter. Or la hausse de la production est elle-même favorable au bien-être, puisqu'elle augmente les moyens de satisfaire les besoins. Outre cet aspect matériel, qui concerne l'ensemble de la société si les fruits de la croissance sont bien répartis au sein de la population, l'innovation contribue aussi à l'épanouissement des individus qui la pratiquent, en leur donnant la satisfaction de se distinguer et d'être utiles aux autres.

Cependant pour innover il faut souvent s'écarter des habitudes, chercher de nouveaux chemins. Cela suppose de prendre des risques. Uniquement en ce qui concerne la création d'entreprises, on peut déjà remarquer que la moitié des nouvelles affaires ont disparu au bout de cinq ans. Pour se lancer et tester une nouvelle idée, en sacrifiant du temps, de l'énergie, et de l'épargne, il est logiquement préférable de se sentir protégé par ailleurs. La mutualisation des risques, en particulier pour la santé et la vieillesse, y contribue et peut donc apparaître favorable au dynamisme de l'économie si elle est bien calibrée.


2/ Mais les inconvénients de la mutualisation imposent des limites à son  usage, d'autant qu'elle peut être complétée par d'autres formes de protection comme la diversification


 a) La mutualisation d'un risque accroît ce risque et est ainsi souvent coûteuse pour chaque individu et pour la société dans son ensemble

Le fait d'être protégé d'un risque par une assurance conduit les individus, parce qu'ils se sentent protégés, à s'exposer davantage aux menaces en question. C'est une des raisons pour lesquelles les contrats d'assurance contre le cambriolage obligent à fournir les factures de systèmes de fermeture de portes performants, par exemple. Sinon les individus protégés par l'assurance ne feraient pas forcément ces dépenses. C'est ce qu'on appelle le problème de l'aléa moral, et cela concerne toutes les situations où des risques sont mutualisés.

Le problème si tout le monde prend davantage de risques, parce qu'il estime avoir droit aux indemnités d'assurance, c'est que chacun paie alors davantage de cotisations car cela coûte cher d'aider un plus grand nombre d'individus frappés par la malchance. D'autant qu'en ce qui concerne l'assurance santé par exemple, les remboursements de soins peuvent inciter une grand-mère à aller consulter son docteur simplement pour discuter un peu.


 b) La diversification peut être une solution individuelle à certains risques

Le problème de l'aléa moral a différentes solutions, comme le bonus/malus des assurances automobiles, ou l'existence d'une franchise, par exemple une dépense minimum non remboursable par visite chez le médecin ou par paquet de médicament acheté. Mais pour éviter de dépenser trop en cotisations tout en étant incité à prendre des risques évitables, il peut de toute façon sembler souhaitable de ne pas aller trop loin dans la mutualisation et de s'assurer surtout contre les risques graves auxquels on peut difficilement faire face seul.

Un autre moyen de diminuer son exposition aux risques, quand on le peut, est de ne pas dépendre d'une seule solution pour satisfaire un besoin, lorsque cette solution peut être menacée. C'est ce qu'on appelle la diversification : "ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier". Elle peut être pratiquée par les individus comme par les entreprises. Cela s'applique par exemple au placement de l'épargne : mieux vaut ne pas tout miser sur l'achat de parts d'une seule société anonyme. Le fait de travailler en couple dans la même entreprise augmente également l'exposition au risque de faillite de l'employeur.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   Les Français sont allés beaucoup plus loin que les anglo-saxons et la plupart des autres nations dans la mutualisation des risques. Cela a des inconvénients, mais aussi beaucoup d'avantages. En la matière, l'équilibre à trouver dépend sans doute des cultures de chaque peuple, en particulier de leur degré moyen d'aversion au risque. Et les évolutions éventuelles ne peuvent être envisagées sans un débat démocratique approfondi, inscrit dans le temps long.