Peut-on prévoir le comportement électoral ?

Pour revenir au sommaire des SES, c'est ici...    et pour la version affichant une question par sous-partie, c'est par là...    (droits réservés)


Accroche   Même si la prévision en sciences sociales a de nombreuses limites, l'idée même qu'on puisse prévoir le comportement des individus est dérangeante. Car elle affecte la conception la plus simple qu'on peut se faire de la liberté humaine. C'est tout particulièrement vrai en ce qui concerne le choix des citoyens au moment des élections. Pourtant il existe des régularités statistiques qui font apparaître des relations entre certaines variables et la probabilité de voter pour tel ou tel parti, ou même simplement de se rendre au bureau de vote.

Définition de mot-clé
   - variables sociales lourdes :  caractéristiques des individus liées à leur position au sein de la société et influençant leur comportement électoral, comme leur niveau de diplôme, leur genre, leur âge, leur patrimoine ou leur religion

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ Selon leur position sociale les individus participent plus ou moins aux élections et ne font pas les mêmes choix de vote


 a) Tous les électeurs potentiels ne sont pas inscrits sur les listes électorales et tous les inscrits ne participent pas à chaque élection

Avant même de voter pour tel ou tel partie, à droite à gauche ou au centre, un premier aspect du comportement électoral d'un individu est d'abord de se rendre au bureau de vote le jour des élections, et même avant cela, de s'inscrire sur la liste des électeurs d'une commune. Pour une catégorie sociale donnée, le taux d'inscription est le nombre d'individus qui sont inscrits sur la liste électorale d'une commune, en pourcentage du nombre total de personnes dans la catégorie. Le taux de participation est ensuite le nombre de personnes qui se sont déplacées au bureau de vote le jour de l'élection, en pourcentage du total des individus inscrits sur la liste électorale.

Le taux de participation électorale, même s'il varie d'une élection à l'autre, est d'environ 80% au premier tour d'une élection présidentielle en France. Cela signifie qu'environ un cinquième des électeurs inscrits ne se déplacent pas, ce qui correspond à ce qu'on appelle l'abstention. Le taux d'abstention est ainsi de 20%, c'est-à-dire le complément à 100% du taux de participation. Dans le cas d'autres élections comme les élections régionales ou les élections européennes, le taux d'abstention est même plus élevé en général, aux alentours de 40%. Le taux d'inscription sur les listes électorales se situe quant à lui aux alentours de 90%.


 b) Des variables sociales influencent à la fois la participation électorale et le vote

On est plus souvent inscrit sur les listes électorales, et on a davantage tendance à participer aux élections, lorsqu'on a déjà un certain âge, un niveau de diplôme supérieur, un revenu et un patrimoine élevés, une composition familiale stable, et quand on habite le nord-ouest de la France. Le taux d'abstention des ouvriers et des chômeurs est ainsi supérieur à la moyenne, tandis que celui des cadres et inférieur.

Les mêmes variables sociales, auxquelles on peut ajouter la pratique religieuse, influencent l'orientation du vote lorsqu'il a lieu. Ainsi les personnes qui fréquentent régulièrement les lieux de culte ont tendance à voter plus souvent pour des candidats conservateurs, autrement dit plutôt à droite, mais sans aller très souvent jusqu'à l'extrême droite. Le vote à l'extrême droite ou à l'extrême gauche est quant à lui plus élevé parmi les ouvriers et les catégories populaires en général, plutôt jeunes, rurales et peu diplômées. Les cadres supérieurs, les citadins et les femmes choisissent davantage des candidats de cendre-droit ou de centre-gauche.


2/ Le comportement électoral est cependant de moins en moins prévisible du fait de l'importance croissante des stratégies individuelles selon les enjeux du moment


 a) L'importance électorale des variables sociales a tendance à décliner par rapport à celle des variables contextuelles

Quelques jours avant le premier tour de la dernière élection présidentielle, près d'un Français sur trois ayant prévu de voter disait ne pas savoir pour qui, ou indiquait pouvoir encore changer d'avis. Cette indécision est un des symptômes de ce que l'on appelle la volatilité électorale. Les électeurs qui votent pour un parti à une élection se retrouvent aussi de plus en plus souvent dans le camps opposé lors de la consultation électorale suivante. Cela remet en partie en cause l'importance des variables sociales lourdes pour prévoir le comportement électoral.

Si la prévision s'en trouve compliquée, le comportement des électeurs peut toujours s'interpréter en partie selon diverses variables, dont les variables lourdes d'ailleurs. Mais d'autres paramètres ont gagné en importance, en particulier ce qu'on appelle les variables contextuelles, celles qui expriment des différences de contexte, autrement dit de circonstances du moment.

Cela inclut le type d'élection : on vote plus souvent pour les petits partis aux élections régionales ou européennes qu'aux élections présidentielles par exemple. Les variables contextuelles déterminent de façon plus générale ce qu'on appelle un "vote sur enjeu", par opposition à un vote où l'électeur s'identifie à un camp. Parmi elles, on peut citer le positionnement des candidats et des électeurs au sujet de diverses questions d'intérêt collectif, pour ou contre le commerce international, le mariage homosexuel, ou la légalisation du cannabis par exemple. La couverture large par les médias d'un fait divers récent peut également influencer les votants.


 b) L'électeur est de plus en plus un stratège individuel même s'il reste parfois influencé par une socialisation politique de gauche, de droite, ou écologiste par exemple

Le rôle de plus en plus important des variables contextuelles et du vote sur enjeu correspond à l'attitude de plus en plus rationnelle des électeurs, qui en fait ce qu'on appelle aujourd'hui des électeurs stratèges. Selon le positionnement de tel ou tel candidat sur tel et tel sujet, et en fonction des intérêts liés aux positions sociales que l'électeur occupe, celui-ci calcule en quelque sorte l'utilité qu'il tire d'un vote par rapport à un autre.

Cette attitude d'électeur stratège, qui a tendance à se développer, contraste avec le déclin du rôle de la socialisation politique, en particulier dans le cadre des familles. Celle-ci existe cependant toujours : parmi les normes et les valeurs transmises dans le milieu familial, scolaire, religieux ou professionnel, l'adhésion à une orientation politique plutôt marquée à gauche (pour le changement et la lutte contre les inégalités), ou à droite (pour conserver l'ordre et défendre la propriété avant tout) continue à jouer un rôle non négligeable. On peut y ajouter aujourd'hui la transmission des préoccupations environnementales et donc d'une sensibilité écologiste, dans laquelle l'école notamment semble jouer un rôle en tant qu'agent de socialisation.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   S'il n'est pas toujours possible de prévoir le vote d'un individu dans le secret de l'isoloir, il existe de nombreuses manières d'anticiper les résultats globaux d'une élection en fonction de variables à la fois sociales et contextuelles. Il reste que l'observation scientifique et le commentaire, dans ce domaine comme dans d'autres, modifie souvent la réalité analysée.