Les liens sociaux reposent-ils sur la ressemblance ?

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Accroche   La vie en société oblige les individus à accepter des frustrations, à suivre des normes sociales. C'est ainsi qu'ils peuvent être solidaires les uns des autres. Mais chacun semble accepter ces contraintes d'autant plus facilement qu'elles s'imposent dans leur entourage proche, ou parmi des personnes qui leur ressemblent. Un supporter de foot marseillais prendra moins mal la moquerie d'un camarade du même groupe plutôt que de supporters du camp d'en face.

Définition de mot-clé
   - lien social :  contrainte exercée sur le comportement des individus par leur appartenance à un groupe social, ce qui leur donne des possibilités d'entraide et de buts communs, ainsi que le sentiment de constituer un groupe (voir «solidarité» et «socialisation»)

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ La situation sociale semblable de deux individus ne suffit pas à les rendre solidaires, comme le montre l'exemple des catégories socio-professionnelles


 a) Les CSP visent à regrouper des individus au comportement social semblable dans plusieurs domaines,  afin de montrer les relations entre ces types de comportements

Les CSP sont l'outil le plus utilisé pour étudier la société française, quel que soit le but poursuivi : politique, économique, ou purement scientifique. On peut par exemple s'intéresser aux sports pratiqués, ou à la probabilité d'habiter tel ou tel quartier ou partie du territoire, selon qu'on est ouvrier, employé, profession intermédiaire, cadre, artisan-commerçant, agriculteur, ou inactif... Avant de de choisir une stratégie publicitaire, les entreprises étudient les CSP qu'elles doivent cibler en fonction du produit.

On peut en effet se rendre compte par exemple que les cadres et professions intellectuelles supérieures pratiquent plus souvent des sports individuels comme le tennis, tandis que les ouvriers préfèrent la pratique des sports collectifs comme le football. De la même manière, l'orientation politique des maires le plus souvent élus dans une commune peut se déduire de sa proportion d'ouvriers, de cadres ou de retraités par exemple. Les retraités votent plus souvent pour la droite conservatrice, les ouvriers pour l'extrême-gauche ou l'extrême-droite, les cadres pour la gauche ou la droite libérale.


 b) Les CSP (ou PCS) ne sont pas des groupes sociaux composées d'individus solidaires mais un système de classement basé sur des critères

Les catégories socio-professionnelles sont une pure création des statisticiens de l'INSEE en 1954, dans le but d'étudier la société française. D'ailleurs après une réforme en 1982 on a plutôt parlé de Professions et Catégories Socio-professionnelles (PCS), et on trouve aussi aujourd'hui le sigle GSP, pour groupes socio-professionnels. Les individus ainsi regroupés se ressemblent bien car il s'agit précisément de classer les individus selon leur rapport à l'emploi, pour constituer des ensembles de personnes ayant des façons assez semblables de vivre en société. A part les retraités et les autres inactifs, ou chômeurs n'ayant jamais travaillé, on classe chacun selon son statut indépendant ou salarié, selon son secteur d'activité primaire, secondaire ou tertiaire, et selon son niveau de qualification.

Par définition donc, les membres d'une même CSP se ressemblent. Mais ils ne sont pas pour autant solidaires, et il n'ont pas forcément le sentiment de faire partie d'un même groupe. Ils occupent une position assez voisine sur les différentes échelles de comparaison au sein de la société : par exemple un jeune lieutenant de police parisien et une infirmière mentonnaise expérimentée font partie de la même PCS "professions intermédiaires", car ils peuvent avoir des revenus ou des loisirs comparables. Mais leur seul lien véritable est leur appartenance à la nation française. L'infirmière a plus de chances de se sentir solidaire d'une femme de ménage qui travaille dans le même service hospitalier. On parle de "groupe social" à propos d'individus qui partagent le sentiment d'appartenir au même groupe, et qui sont de ce fait plus souvent solidaires entre eux qu'avec d'autres : les mentonnais par exemple, ou bien encore les lycéens, les membres d'une famille. Ce n'est pas le cas des CSP.


2/ La famille et le milieu professionnel sont des liens sociaux essentiels, même si d'autres appartenances renforcent la solidarité


 a) Les liens de solidarité ne se limitent pas à la famille et au milieu professionnel

Le fondateur de la sociologie, Emile Durkheim, a distingué deux formes de solidarité plus ou moins présentes chacune selon les sociétés humaines. Il a appelé solidarité mécanique l'ensemble des liens sociaux qui reposent sur une conscience collective forte, un ensemble de manières de penser et d'agir communes qui laisse peu d'autonomie à la conscience individuelle de chacun. On est alors solidaire parce qu'on se ressemble beaucoup. Ce type de solidarité correspond plutôt aux petites communautés rurales traditionnelles, mais on peut le retrouver dans certains groupes des grandes sociétés urbaines modernes : c'est le cas au sein d'un commando militaire par exemple, ou d'une secte, ou même une classe d'élèves tous internes dans un lycée. L'autre forme de lien social, caractéristique plutôt des sociétés riches contemporaines, c'est ce que Durkheim appelle la solidarité organique : elle repose sur l'interdépendance créée par la répartition des tâches.

Cette seconde forme de solidarité donne une importance particulière à la profession exercée, mais ce n'est pas le cas de la première. La répartition des tâches existe d'ailleurs aussi en dehors du monde professionnel, en particulier au sein d'un foyer familial, où elle contribue à entretenir les liens de solidarité entre ses membres. Plus précisément on trouve dans le cas de la famille un mélange de conscience collective assez forte et de répartition des tâches. Mais c'est le cas aussi parmi les adhérents à un club de sport ou à un parti politique, qui n'hésiteront pas à se rendre des services. La tendance des habitants d'une ville ou d'un pays à s'entraider, lorsqu'ils sont dans une commune ou un pays différent, provient plus spécifiquement de l'importance prise alors par la ressemblance, c'est-à-dire par la conscience collective qui donne un sentiment d'appartenance, une identité commune.


 b) La précarité de l'emploi et les ruptures familiales isolent tout de même de manière particulière, au point de menacer l'intégration sociale des individus concernés

L'importance des différents facteurs qui contribuent au lien social peut se mesurer à partir de la situation de ceux qui se retrouvent plus ou moins coupés du reste de la société, ceux qu'on appelle les "exclus". Lorsqu'on interroge les personnes qui dorment dans la rue par exemple, on retrouve généralement des histoires personnelles qui associent une perte d'emploi et des ruptures familiales. Cela montre le rôle plus particulier que jouent, dans l'intégration sociale, la famille et l'emploi.

Cela n'a rien d'étonnant en ce qui concerne l'emploi, si on suit l'idée de Durkheim selon laquelle la forme de solidarité des sociétés nombreuses, urbaines et industrialisées, est la solidarité organique qui repose sur la répartition des tâches. Celui qui est exclu du monde du travail perd ainsi la possibilité de participer aux échanges qui tissent un lien social fondé sur l'interdépendance. Il perd un grand nombre d'occasions de contacts, ainsi que les revenus qui permettent de suivre les normes de consommation, comme d'avoir l'eau chaude à la maison ou d'être joignable sur un téléphone. C'est pourquoi le niveau élevé du chômage en France ainsi que des emplois précaires, de courte durée, est préoccupant.

Les solidarités entre conjoints, ou entre parents et enfants, sont également très importantes, du fait notamment du rôle de la famille dans la socialisation (y compris la socialisation secondaire). Elles ne sont pas indépendantes d'ailleurs de l'intégration professionnelle, tant une rupture conjugale peut déstabiliser le rythme de travail d'un salarié jusqu'à lui faire perdre son emploi... tandis qu'en sens inverse un licenciement peut menacer un couple du fait des difficultés matérielles et psychologiques (sentiment d'être inutile) que cela entraîne.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   Un supporter de foot marseillais a donc plus de chances, certes, de supporter la moquerie d'un autre supporter marseillais, et d'entrer au contraire en conflit avec un soutien du PSG, le club de foot parisien. Mais il n'y a pas que la ressemblance qui crée des liens. Et le conflit ne signifie d'ailleurs pas forcément l'absence de tout lien social entre ceux qui s'affrontent...