Pourquoi et comment les banques centrales contrôlent-elles la création de monnaie par les banques commerciales ?

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Accroche   Dès l'Antiquité, lorsqu'est apparue la monnaie fiduciaire sous forme de pièces de valeur supérieure à leur poids de métal, les souverains se sont préoccupés de contrôler l'émission de cette monnaie. C'est en effet un enjeu de pouvoir, qui permet d'acheter le travail d'autrui uniquement à partir de la confiance qu'inspire le support de monnaie créé. La création des banques centrales (1844 en Angleterre), et en particulier le monopole d'impression qui leur a été accordé, a été motivé par la volonté de contrôler la création monétaire. Il y avait pour cela des motivations économiques, pas seulement politiques.

Définition de mot-clé
   - banque centrale :  banque à laquelle le pouvoir politique confie le monopole de l'impression des billets et des pièces autorisés comme monnaie pour les échanges : il en résulte une possibilité de freiner la création de monnaie par les autres banques, car ces dernières ont besoin de pouvoir fournir sous forme de billets l'équivalent d'une petite proportion des crédits qu'elles accordent sur des comptes.

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ La confiance inspirée par l'épargne déposée  permet aux banques de créer de la monnaie fiduciaire, d'où le rôle des banques centrales pour éviter les paniques et l'inflation


 a) Les reconnaissances de dettes des banques peuvent servir de monnaie et dépasser ainsi le montant d'épargne déposée chez elles

Si un individu a besoin de protéger de l'or et le confie à un grand marchand équipé de coffres, en échange d'un bout de papier, chacun sait qu'en rendant au marchand ce billet, il y a toutes les chances d'obtenir l'or. Le marchand tient à sa réputation et il a les moyens de payer.

C'est pour cette raison que le premier individu a fait confiance. Et pour cette même raison, un second individu peut très bien accepter du premier le billet du marchand, en échange d'un bien ou d'un service, sans obliger son acheteur à récupérer l'or pour le lui donner.

A partir de ce moment là, la reconnaissance de dette du marchand joue le rôle d'une monnaie. Elle est devenue un instrument d'échange. Elle peut circuler indéfiniment, de main en main, sans que jamais personne vienne réclamer l'or au marchand. Celui-ci peut donc , grâce à la confiance qu'il inspire, créer des billets pour une valeur supérieure à l'or qu'il détient réellement. Entre-temps, le marchand est devenu une banque. Il crée de la monnaie à partir de rien, en reconnaissant des dettes qu'il n'a pas les moyens de rembourser, mais que personne ne lui demande de rembourser.


 b) Le monopole d'impression des billets par la banque centrale limite non seulement le risque de panique bancaire mais aussi la hausse des prix

Lorsqu'il commence à réaliser des billets sans avoir de l'or à rendre en contrepartie, un marchand a tendance à continuer et à en créer de plus en plus. Car il peut ainsi faire travailler les autres pour son bien-être sans fournir lui-même aucun effort, simplement grâce à la confiance qu'il inspire. Mais quand un événement un peu plus brutal que d'habitude se produit, concernant la population ou le marchand lui-même, trop de déposants cherchent à récupérer leur bien en même temps. Il apparaît vite alors qu'il n'y a pas assez d'or. D'un coup, tous les billets perdent donc leur valeur car ils n'inspirent plus confiance, et de nombreuses personnes sont ruinées.

Un second problème important apparaît inévitablement lorsque le marchand crée trop de billets : si la quantité de billets en circulation augmente plus vite que la quantité de biens et services produits dans l'économie, les acheteurs acceptent des prix de plus en plus élevés pour obtenir ce qu'ils veulent. C'est l'inflation, la hausse du niveau général des prix. Et si elle est trop rapide, le repère fourni par les prix devient moins précis. Cela rend moins efficace l'ajustement de l'offre et de la demande sur les marchés.

Pour ces deux raisons, et aussi parce que la puissance des grands marchands banquiers représentaient pour eux une menace, les pouvoirs politiques ont décidé de réserver l'impression des billets à un seul organisme, qu'ils peuvent contrôler étroitement : c'est la banque centrale.


2/ Le monopole d'impression des billets permet d'influencer aussi la création de monnaie scripturale par les banques et donc l'activité économique, grâce au taux directeur


 a) Le monopole de la banque centrale sert aussi à freiner la création de monnaie scripturale grâce au taux d'intérêt directeur

Il n'y a pas besoin d'imprimer des billets pour créer de la monnaie. La même confiance populaire qui permet à une organisation d'émettre des billets utilisés comme monnaie, lui permet de tenir des comptes. Et la seule limite aux prêts qu'une banque peut ainsi faire, en ajoutant simplement une ligne d'écriture sur un compte, c'est que les vendeurs payés avec les sommes inscrites peuvent avoir un compte dans une autre banque. Il suffit la plupart du temps aux banques de se faire des prêts entre elles pour surmonter ce problème. C'est pourquoi on dit que "les crédits font les dépôts".

Mais cette facilité à créer de la monnaie scripturale fait évidemment courir un risque d'inflation, tout comme l'impression de billets. Et le risque que représente la perte de confiance dans une banque existe aussi avec la monnaie scripturale, comme il existait avec la monnaie fiduciaire avant le monopole de la banque centrale.

Pour freiner le rythme de création de monnaie scripturale, la banque centrale peut simplement augmenter le taux d'intérêt des prêts qu'elle demande aux autres banques ("taux directeur") chaque fois que celles-ci ont besoin de billets. Car tous les jours une petite partie de la monnaie inscrite sur les comptes est convertie en billets par les clients des banques. Plus il faut payer des taux d'intérêts élevés à la banque centrale pour avoir ces billets, plus cela coûte cher à ces banques, et plus elles doivent faire payer des taux d'intérêts élevés sur les prêts qu'elles proposent elles-mêmes. Leurs clients empruntent donc moins, et il y a ainsi moins de monnaie scripturale créée.


 b) En sens inverse le pilotage à la baisse du taux d'intérêt à court terme sur le marché monétaire permet de stimuler la demande, donc l'activité économique (production et emploi)

La baisse du taux directeur de la banque centrale a l'effet inverse de la hausse : au lieu de freiner la création monétaire par les banques, elle l'accélère. Lorsque la principale crainte concernant l'économie n'est pas l'inflation, cela peut être avantageux. C'est le cas en particulier lorsque la production a tendance à peu augmenter ou à baisser, et le chômage à s'accroître.

Une telle situation peut s'expliquer par une tendance des agents économiques à moins consommer et à moins investir que ce qui serait possible, avec des unités de production qui ne fonctionnent donc pas à plein régime. Dans ce cas il peut être utile, comme l'a montré John Keynes, de stimuler la demande.

La création monétaire a cet effet, car elle donne aux agents économiques l'illusion de s'enrichir. De ce fait ils consomment davantage. Et s'il y a des individus au chômage et des équipements de production sous-utilisés, les entreprises peuvent répondre à cette demande supplémentaire. Le rythme de hausse des prix reste donc raisonnable.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   Des théoriciens importants, comme Hayek, ont contesté l'intérêt de confier le monopole de l'émission de monnnaie à une banque centrale. Renoncer à ce monopole reviendrait à priver les pouvoirs publics de toute possibilité de fixer des objectifs de politique monétaire. Cette question mérite cependant d'être discutée, tout comme l'idée de rendre simplement la banque centrale indépendante, avec des buts de long terme. C'est le cas de la Banque Centrale Européenne.