Pourrait-on se passer de monnaie ?

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Accroche   Depuis le mythe biblique du Veau d'or notamment, la monnaie a souvent été associée à des représentations du Mal. Des expressions populaires, à propos de l'argent qui "n'a pas d'odeur" ou qui "ne fait pas le bonheur", soulignent aussi ce caractère ambigu de la monnaie.

Définition de mot-clé
   - monnaie :  moyen accepté par la plupart des membres d'une population pour se procurer auprès d'eux un produit quelconque, dès lors que la quantité proposée est suffisante; cela est rendu possible par la confiance partagée par tous de pouvoir s'en servir ensuite eux aussi de la même manière, avec une valeur d'échange équivalente à celle qu'ils attribuaient au produit vendu

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ Sans monnaie il n'y aurait pratiquement pas d' échanges marchands possibles


 a) La monnaie joue un triple rôle d'unité de compte, de moyen d'échange et de réserve de valeur

La monnaie est d'abord un « étalon des valeurs », une échelle qui permet de mesurer plus finement la valeur d'un mouton, par exemple, qu'un nombre de poules contre lequel il pourrait s'échanger. Car la monnaie est plus facile à diviser en petites quantités.

La monnaie a aussi un rôle d' « intermédiaire des échanges ». Elle facilite déjà les échanges en tant qu'étalon des valeurs, bien sûr. Mais pas seulement : elle permet aussi de résoudre le problème posé si Jean n'est pas intéressé par les poules de Paul en échange de son mouton. Si Jean veut des haricots, il pourra quand même échanger avec Paul, car la monnaie de ce dernier lui permettra d'acheter les haricots de Pierre, qui pourra lui-même se servir ensuite de cette monnaie pour acheter à Paul des poules.

La monnaie a enfin une fonction de « réserve de valeur ». A la différence d'un kilo de tomates ou de viande elle ne pourrit pas, et peut donc servir à se procurer un bien ou un service, en contrepartie du produit échangé, des mois ou des années après avoir fourni celui-ci.


 b) Les trois fonctions de la monnaie sont nécessaires au bon fonctionnement du marché

On peut imaginer un marché où se rencontrent des acheteurs et des vendeurs de moutons, et où le prix est exprimé en nombre de poules. Dans ce cas un prix d'équilibre, par exemple 10 poules pour un mouton, peut ajuster à peu près les quantités demandées par les acheteurs et les quantités proposées à la vente. Mais cet ajustement est moins précis qu'avec un prix exprimé en monnaie. D'où un peu de gaspillage ou au contraire de pénurie, ce qui peut s'éviter avec un bon étalon des valeurs.

Le rôle d'intermédiaire des échanges joué par la monnaie est encore plus fondamental pour le fonctionnement des marchés. Car il permet à un nombre beaucoup plus grand d'offreurs et de demandeurs de se rencontrer pour chaque type de ressource, par rapport à l'hypothèse où l'échange ne pourrait se faire qu'entre personnes ayant chacune un produit désiré par l'autre.

En permettant de décaler dans le temps l'obtention d'une contrepartie sous forme de bien ou de service, la fonction de réserve de valeur augmente également le nombre d'offreurs et d'acheteurs, donc la qualité de l'ajustement entre l'offre et la demande sur le marché de chaque ressource.


2/ L'évolution historique des formes de monnaie a montré qu'on peut se passer de certaines d'entre elles


 a) La monnaie marchandise, la monnaie métallique, la monnaie fiduciaire et la monnaie scripturale sont les principales formes de monnaie qu'on a l'habitude de distinguer

Une marchandise peut être choisie comme monnaie simplement parce qu'elle est facile à diviser, à conserver, et à transporter, avec une valeur en tant que marchandise donc plutôt élevée par rapport à son volume et à son poids. C'est le cas de l'or ou d'autres métaux précieux comme l'argent. On appelle monnaies métalliques les formes de monnaie dont la valeur correspond ainsi au poids de métal dont elles sont constituées.

Mais il n'est pas nécessaire que le support de la monnaie, même s'il est en métal, ait une valeur aussi importante que le montant qu'il représente en tant que monnaie : on peut inscrire « 50 centimes » sur une pièce dont le poids de métal vaut seulement 1 centime. Il suffit ensuite que tous les agents économiques soient persuadés de pouvoir s'en servir pour acheter 50 centimes de biens ou de services, et donc l'acceptent eux-mêmes en échange de leurs produits pour cette valeur. Il s'agit alors d'une monnaie dite fiduciaire (du latin « fides », croyance).

La monnaie fiduciaire est dite divisionnaire lorsqu'il s'agit de pièces, mais il peut s'agir aussi de billets, et même simplement d'écritures sur des comptes bancaires : on parle ainsi de monnaie scripturale lorsqu'un chèque de 50 euros entraîne l'écriture « +50 » sur le compte du vendeur, et « -50 » sur celui de l'acheteur. Lorsqu'une carte bleue ou un virement internet est utilisé à la place d'un chèque, on parle aussi parfois de monnaie électronique. La monnaie électronique n'est cependant pas toujours scripturale : cela peut être une somme inscrite sur la puce d'une carte cadeau acceptée dans la plupart des magasins, sans rapport avec un compte bancaire.


 b) Les monnaies marchandises et la monnaie métallique ont été supplantées d'abord par les pièces et les billets (monnaie fiduciaire au sens large), puis par la monnaie scripturale

La monnaie métallique permet de stocker davantage de valeur, par rapport à son poids, qu'une monnaie marchandise quelconque. Mais elle-même a été remplacée progressivement par de la monnaie fiduciaire dès l'antiquité, lorsque les autorités politiques se sont rendu compte qu'elles pouvaient rogner sur le poids des pièces sans changer leur valeur officielle. Dans le cas de la Livre Tournois au Moyen-Age, le roi de France a même augmenté la valeur en or de son poids en métal (un alliage d'argent) par simple déclaration, sans devoir créer de nouvelles pièces.

Puis sont apparus les billets, bouts de papier qui inspiraient confiance parce qu'ils étaient convertibles en or auprès des grands marchands ou des banques qui les imprimaient, avant que l'Etat réserve cette possibilité à une banque centrale sous son contrôle.

Aujourd'hui, ni les billets ni les inscriptions sur les comptes bancaires ne sont convertibles en or (depuis 1971). Et plus de 95% de la monnaie utilisée est sous forme scripturale, avec de plus en plus souvent la carte bleue comme intermédiaire à la place du chèque, plus rarement accepté par les vendeurs.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   En tant que moyen de coordonner très efficacement, dans de nombreuses situations, les échanges entre les individus, la monnaie concurrence depuis des millénaires les formes d'organisation sociale établies et entretenues par le pouvoir politique et religieux. N'est-ce pas une des causes de sa réputation ambiguë? Même si les souverains ont su aussi en faire un instrument de leur pouvoir, en se réservant le monopole de son émission?