Comment l'Etat ou les monopoles nuisent-ils au bien-être en modifiant le fonctionnement du marché ?

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Accroche   Le courant de pensée libéral, dans la continuité d'Adam Smith au XVIIIème siècle, considère que l'Etat doit intervenir le moins possible dans le fonctionnement du marchés. Mais n'y a-t-il pas des abus possibles de la part d'une entreprise en situation de monopole sur un marché ? Et l'Etat n'a-t-il pas de toute façon un rôle important à jouer pour que le marché fonctionne vraiment ?

Définition de mot-clé
   - monopole :  situation d'un marché (voir ce terme) où il y a un seul offreur; par exemple, la SNCF a quasiment le monopole du transport de voyageurs par trains en France - voir aussi marché conurrentiel et structures de marché.

Rappel : il faut toujours annoncer en fin d'introduction les titres des parties principales du développement, juste après avoir posé explicitement la question du sujet. Il est souhaitable de reformuler cette dernière plutôt que de la recopier telle quelle dans l'introduction, et il faut si possible y associer une problématique, c'est-à-dire la décomposer en deux, trois ou quatre questions.


1/ Le pouvoir de marché des producteurs en situation de monopole diminue le bien-être en conduisant à des prix plus élevés et à des quantités produites inférieures


 a) En situation de monopole, le pouvoir de marché du producteur lui permet de faire le prix (il est "price maker") et il en découle une quantité de production inférieure.

L'entreprise en situation de monopole est presque complètement libre de choisir le prix de vente de sa marchandise. On dit qu'elle est "faiseur de prix", ou "price maker" : les clients sont obligés de s'adresser à elle s'ils veulent se procurer le produit, puisqu'elle n'a aucun concurrent. Elle n'a pas de raison bien sûr de fixer ce prix à un niveau égal ou supérieur au point le plus élevé de la courbe de demande, c'est-à-dire à l'endroit où cette courbe coupe l'axe des ordonnées, à l'abscisse zéro : dans ce cas il n'y aurait aucun acheteur. En fait une entreprise a intérêt à produire plus tant que sa recette marginale (tirée de la vente d'une unité supplémentaire) est supérieure à son coût marginal (coût de production d'une unité supplémentaire).

En concurrence parfaite, la recette marginale comme la recette moyenne est égale au prix à l'unité imposé par le marché, indépendant des quantités vendues par une entreprise quelconque. En effet l'élasticité au prix des quantités demandées à l'entreprise est alors extrême (au niveau de chaque entreprise la courbe de demande est horizontale). Mais pour un monopoleur (une entreprise en monopole), la recette marginale n'est pas un prix de vente invariable quelle que soit sa quantité de production. On peut montrer dans ce cas que la recette marginale décroît deux fois plus vite (en fonction des quantités vendues) que la courbe de recette moyenne... qui est alors la courbe de demande du marché (car l'entreprise en monopole vend toutes les quantités achetées).

Le prix qui se détermine ainsi, par comparaison de la recette marginale avec le coût marginal du monopoleur, est plus élevé que le prix d'équilibre sur un marché concurrentiel. D'où également une quantité demandée (et donc produite) plus basse. Sur un marché concurrentiel en effet, le prix se fixe à l'intersection de la courbe de demande (identique à la courbe de recette moyenne du monopoleur et deux fois moins rapidement décroissante que sa courbe de recette marginale)... avec la courbe d'offre du marché (somme des courbes de coûts marginaux d'entreprises, que nous pouvons supposer identique à la courbe de coût marginal d'un monopoleur, pour un même produit).


 b) Lorsque producteurs et  consommateurs sont preneurs de prix, la somme de leurs surplus (donc leur satisfaction) est ainsi supérieure à ce qu'elle est en cas de monopole

Au niveau où se fixe le prix d'équilibre sur un marché concurrentiel, certains consommateurs sont particulièrement satisfaits : ce sont ceux qui auraient été prêts à acheter à un prix plus élevé, à gauche sur la courbe de demande. Cette satisfaction ("surplus des consommateurs") peut se représenter comme la surface située au-dessous de la courbe de demande, à gauche du point d'équilibre, jusqu'à la droite horizontale correspondant à l'ordonnée de ce point (c'est-à-dire le prix d'équilibre). De la même manière, le surplus des producteurs, dont certains auraient été prêts à vendre moins cher, peut se représenter par la surface située au-dessus de la courbe d'offre à gauche du point d'équilibre, jusqu'à la même droite horizontale.

Dans le cas d'un monopole, le prix de vente est plus élevé que le prix d'équilibre en marché concurrentiel. Il se situe donc plus à gauche sur la courbe de demande. Dès lors, la surface située encore plus à gauche, entre la droite horizontale de ce prix et la courbe de demande, est bien sûr inférieure : la satisfaction des consommateurs est donc moindre. Mais en plus, le producteur n'en profite pas entièrement... Car son propre surplus est représenté par la surface située entre la droite horizontale du prix et la courbe d'offre en-dessous, à gauche de l'abscisse de la quantité achetée. Et si on joint ces deux surfaces, elle couvrent ensemble une aire inférieure au surplus total des producteurs et des consommateurs (le "gain à l'échange") en situation de concurrence. Le bien-être global de la population, producteur et consommateurs confondus, est inférieur.


2/ Les impôts sur la production augmentent les prix et baissent les quantités produites, mais le marché a besoin de règles que l'Etat ne pourrait défendre sans financement


 a) Une taxe forfaitaire déplace vers le haut la courbe d'offre, ce qui augmente le prix et baisse la quantité échangée

L'Etat peut faire payer par exemple une somme fixe pour chaque unité vendue d'un produit : c'est ce qu'on appelle une taxe forfaitaire, un type particulier d'impôt sur la production.

Par rapport à la courbe des quantités demandées en fonction du prix, sur le marché du produit concerné, la décision de créer une taxe forfaitaire ne change rien si le prix de vente tient compte du montant de la taxe. En revanche les entreprises ne récupèrent alors qu'une partie de ce prix de vente taxe comprise. Leur courbe d'offre avant taxation n'a pourtant aucune raison d'être différente, puisqu'elle reflète l'évolution de leur coût marginal selon les quantités produites. Pour chaque quantité vendue en abscisse, il faut donc qu'elle récupèrent le même prix avant taxation, auquel on doit alors ajouter la taxe pour trouver le prix de vente taxe comprise en ordonnée. Le courbe des quantités proposées à la vente en fonction du prix de vente est ainsi déplacée vers le haut (et donc vers la gauche, puisque la courbe d'offre est croissante).

L'intersection de la courbe d'offre et de la courbe de demande se trouve alors déplacée vers le haut et vers la gauche, par rapport à la situation avant la création de la taxe. Le prix est plus élevé, et la quantité produite (et consommée) est plus faible. D'où a priori un moindre bien-être pour les consommateurs, mais aussi pour les vendeurs qui ne récupèrent pas complètement ce prix élevé.


 b) Le marché ne fonctionnerait pas sans un ensemble de règles que l'Etat fait respecter grâce aux impôts qui le financent

La taxe forfaitaire est seulement un exemple d'impôt. Il permet de montrer comment les prélèvements d'impôts par l'Etat, de façon plus générale, peuvent modifier le fonctionnement du marché dans un sens négatif pour le bien-être général. Mais il ne faut pas non plus oublier que l'Etat remplit des missions qui améliorent le bien-être de la population. Et il lui faut bien, pour jouer ce rôle, récupérer de quoi payer ses salariés (enseignants, policiers...) et les entreprises qu'il fait travailler. Cela ne peut se faire qu'en prélevant d'une façon ou d'une autre une partie de la valeur de production réalisée chaque année par les autres agents économiques.

Parmi les tâches accomplies par l'Etat, il en est même plusieurs qui sont indispensables pour le bon fonctionnement du marché lui-même. Celui-ci a en effet besoin que des règles soient respectées pour que ses mécanismes puissent opérer. Et ce sont les moyens de l'Etat, en particulier la police et la justice, qui font que ces règles sont suivies. Si les droits de propriété sont bafoués en permanence par exemple, si la loi du plus fort et les pillages règnent, il ne sert à rien d'acheter quoi que ce soit, et donc d'échanger avec un vendeur. On dit que "le marché est une institution" pour exprimer l'idée qu'il n'existe pas si certains comportements ne sont pas rendus prévisibles, s'ils ne suivent pas des règles.



Rappel : il faut toujours conclure le devoir en commençant par résumer la réponse, apportée par le développement, à la question du sujet. On peut s'inspirer pour cela des titres des parties principales annoncés en fin d'introduction, mais il faut donner de ces quelques phrases une version plus détaillée et si possible plus affirmative, compte tenu des précisions données plus haut dans le développement.

Elargissement du sujet vers d'autres questions   Malgré les effets théoriques négatifs de l'intervention de l'Etat et de l'existence des monopoles, il n'existe pas vraiment d'exemple de marché parfaitement concurrentiel, sans aucune intervention des pouvoirs publics. L'intérêt du modèle de la concurrence parfaite est de servir de point de repère, pour évaluer les effets positifs et négatifs des situations qui s'en écartent sur certains points.